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David, homme timide et solitaire, trouve le réconfort auprès d’une étrange statue : L’ange de pierre. Mais celle-ci ne va pas tarder à chambouler sa vie…
L’ANGE DE PIERRE
Par une lourde chaleur d’été, David, employé modèle dans une importante fiduciaire de la ville, terminait de classer les documents destinés aux archives. Le ventilateur, bruyant, brassait désespérément l’air chaud à travers ses pales, mais ne parvenait pas à apaiser la lourdeur atmosphérique. David devait être l’un des rares employés de l’immeuble à ne pas disposer d’un bureau climatisé.
Il prit une pile de classeurs sous le bras afin de les descendre au sous-sol, lorsque la porte de son bureau s’ouvrit brutalement. C’était Jean-Marc, son supérieur hiérarchique. Mince et sportif, on aurait dit que la canicule de ces derniers jours n’avait aucune emprise sur lui, malgré le fait qu’il portait une chemise noire boutonnée jusqu’au col et une cravate trop bien ajustée. D’un geste sec, il posa une chemise cartonnée sur le bureau de son employé en déclarant :
− Je vous apporte les derniers dossiers de la semaine. Je sais que nous sommes vendredi, mais pouvez-vous les classer d’ici ce soir ?
− Oui bien sûr, répondit timidement David. Le jeune cadre le dévisagea d’un air hautain. − C’est parfait. Je vous souhaite d’ores et déjà un bon week-end, car je pense que je vais profiter de cet après-midi ensoleillé pour emmener mon fils à la piscine.
− Bon week-end à vous aussi, répondit David entre ses dents.
Dès que son chef referma la porte derrière lui, il jeta les classeurs sur son bureau et lâcha un profond soupir. Cela faisait maintenant plus de cinq ans qu’il ressentait la désagréable impression d’être exploité par ce petit prétentieux qui le traitait le plus souvent comme son sous-fifre. Malgré son brevet de comptable, il n’avait jamais réussi à trouver un emploi digne de ses compétences… et pour cause : son physique des plus ingrats et sa timidité maladive l’empêchaient de gravir les échelons. Il devait donc se contenter d’un emploi d’assistant, en se consolant d’avoir un job, aussi mal rémunéré soit-il. « L’homme est un loup pour l’homme, se dit-il, et la loi de Thomas Hobbes semble s’appliquer même dans un monde aux apparences civilisées.».
Tout à coup, il prit une décision qui l’étonna lui-même : Non, il n’allait pas terminer son après-midi dans ce bureau surchauffé ! Oh que non ! Il viendrait un peu plus vite lundi matin afin de respecter ses engagements, mais lui aussi profiterait de cette magnifique journée !
D’un pas enjoué, il se dirigea vers l’ascenseur, déboutonna les deux premiers boutons de sa chemise et se précipita hors du bâtiment. Des gosses criaient joyeusement dans les rues, couverts par le brouhaha des voitures. Un petit avion de tourisme grondait dans le ciel en faisant quelques figures acrobatiques amusantes, tandis qu’un nuage solitaire traversait l’azur. L’odeur du goudron chaud qui se dégageait de l’asphalte lui chatouilla gaiement les narines. Il traversa les rues d’un pas pressé et se retrouva en quelques minutes dans le parc du musée. Celui-ci représentait un havre de paix au cœur même de la métropole, et, bizarrement, lequel était peu fréquenté. Il gravit d’un pas souple les quelques marches qui menaient au centre de l’espace vert, là où se trouvait un étang ombragé par de grands feuillus. Il s’assit sur son banc habituel, situé tout au bord d’une petite cascade, à l’abri des regards. Juste en face de lui, sa bien-aimée l’attendait au milieu d’une parcelle de fleurs. 6. Sa bien-aimée était une statue de pierre représentant un ange. Elle était magnifique ! Sa physionomie était celle d’une femme et son visage d’une beauté indescriptible esquissait un sourire magique. Un sourire, et il en était certain, qu’elle n’adressait qu’à lui. Ses yeux, à demi clos, exprimaient un regard bienveillant qui lui embaumait le cœur.
David venait lui rendre visite tous les jours, qu’il pleuve ou qu’il vente, car elle se trouvait à mi-chemin entre son lieu de travail et son appartement situé sur les hauteurs de la cité. C’est aussi pour cette raison qu’il refusait de chercher un autre emploi, car elle faisait partie intégrante de son quotidien depuis maintenant cinq ans. Le matin, elle lui donnait la force d’affronter sa journée, le soir l’envie de la terminer. Ainsi, les jours passaient.
Le jour de la Saint-Valentin, et c’était son secret, il venait déposer une fleur au creux de sa main. Il savait que si ses connaissances venaient à s’apercevoir de son petit manège, elles n’auraient pas fini de se moquer de lui. Mais il n’en avait cure. Qu’y a-t-il de mal à aimer, dans un monde où la plupart des valeurs sont bafouées ? Il resta assis un long moment à contempler la statue, lorsqu’une vague de tristesse le submergea. Il venait de fêter ses trente-trois ans et il se sentait désespérément seul. À son âge, la plupart des hommes retrouvaient un foyer chaleureux le soir venu, mais lui demeurait inexorablement seul, comme si le destin en avait décidé ainsi. 9. Et quelle femme voudrait partager sa vie avec un bureaucrate raté, et de surcroît petit et myope ? Pour couronner le tout, il n’était même pas capable de demander une livre de pain à sa boulangère sans devenir rouge comme une tomate ! Il ferma les yeux et se laissa bercer par le gazouillis des oiseaux.
− Bonjour David, résonna une voix juste devant lui.
Il rouvrit les yeux dans un sursaut, et qu’elle ne fût pas sa surprise en voyant l’ange qui flottait devant ses yeux. Son cœur se mit à battre à tout rompre dans sa poitrine et, sous l’émotion, il demeura sans voix. Il ne s’agissait plus de la femme taillée dans la pierre, non, ce qu’il avait devant lui était une image spectrale incroyablement belle. Une aura bleutée, lumineuse, l’entourait.
− N’ais pas peur, David. Si je me matérialise devant toi, c’est pour te remercier de tout l’amour que tu me portes depuis toutes ces années… Rares sont les humains qui offrent leur amour ainsi de manière inconditionnelle. Sa voix était à la fois douce et mélodieuse.
− Mais je… c’est impossible ! balbutia-t-il en se redressant.
− Qu’est-ce qui est impossible ? demanda-t-elle amusée.
− Que… Que vous soyez ici vivante ! − Je ne suis que la matérialisation du plus beau sentiment qui existe sur cette terre, David. Je suis venue afin d’exaucer ton vœu le plus cher. Celui auquel tu ne crois plus depuis longtemps.
− Mon Dieu… Vous savez donc que…
− Oui. Cependant, je te demanderai une seule chose en retour : La promesse de préserver à jamais notre secret. − Je… Je vous le promets !
− Très bien. Alors ferme les yeux et que ton vœu soit exaucé !
Un bruit de tonnerre roula dans le ciel et David ouvrit à nouveau les yeux. D’un seul coup, un vent violent s’était levé et un peu plus loin un groupe de gamins courait pour se mettre à l’abri. Mais la statue de pierre était toujours à sa place, comme si rien ne s’était passé.
− Bon Dieu, j’ai dû rêver, murmura David les yeux exorbités.
Pourtant, cette apparition lui avait paru tellement réelle qu’il en était bouleversé. Il se frotta les yeux comme pour se réveiller, mais il était bel et bien revenu dans la réalité. Le vent se mit à souffler plus fort, projetant des brindilles d’herbes séchées dans toutes les directions. Il se demanda soudain comment le temps avait-il pu changer si vite, en l’espace de quelques minutes.
Au moment où il s’apprêta à partir, un gigantesque éclair fendit le ciel et s’abattit sur la statue dans un fracas effroyable. La sculpture se fendit par le milieu, vacilla sur son socle, avant de tomber et de se briser en mille morceaux. Horrifié, David prit ses jambes à son cou au moment où la pluie se mit à tomber.